
Anke Helfrich est une pianiste allemande qui sera en mini-tournée canadienne de cinq jours en passant par l’Upstairs le 24 juin, ainsi qu’au Jazz Room de Waterloo et le Festival de Jazz d’Ottawa. J’ai voulu en savoir plus sur la musicienne et sa musique, voici donc notre entrevue zoom (et transcription) où elle nous parle de We’ll Rise (2023) en nomination au German Jazz Awards, ses influences et inspirations, les femmes et le jazz, la croisière jazz, ses musiciens, quelques artistes avec qui elle aimerait jouer et ce qu’elle nous prépare pour le 24 juin.
Claude Thibault : Bonjour Anke, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?
Anke Helfrich : Je m’appelle Anke Helfrich, je suis pianiste et compositrice, je vis en Allemagne et j’ai plusieurs albums a mon actif en tant que leader. J’étais en nomination dans la catégorie album de l’année au German Jazz Awards pour We’ll Rise (2023), mon dernier album. Je suis heureuse de faire ce que je fait et j’enseigne la musique.
Claude Thibault : Bravo pour cette nomination de We’ll Rise. Sur certaines des pistes de We’ll Rise on peut entendre la batteure Terri Lyne Carrington parler du legs de la pianiste Geri Allen et j’assume que Geri a eu un impact sur toi et ta musique…
Anke Helfrich : En fait tout l’album est dédié aux femmes pionnières et inspirantes du jazz. Il y a quelques années j’ai fait une émission de radio et dans la recherche j’ai découvert plusieurs pianistes que je ne connaissais pas, comme Terry Pollard, et plusieurs autres, et ça m’a inspirée. J’ai dédié plusieurs de mes concerts à ces femmes pionnières. Sur mon album Dedication (2015) plusieurs pièces sont dédiés à des musiciens masculins qui m’avaient inspirés, mais en y pensant je me suis dit que ça prenait des modèles féminins. Geri Allen a été une de mes influences premières, elle qui a été la première femme que je voyais en concert pendant mes études musicales. Elle jouait avec Steve Coleman et Five Elements. Ça m’a inspirée de la voir jouer des odd meters aux claviers en tout confiance. Plus tard au Pays-Bas pendant mes études je l’ai entendue avec son groupe jouer ses compositions, elle qui puise dans la tradition mais qui également dans la musique d’aujourd’hui dans son style à elle. C’était étonnant de la voir diriger son groupe au piano avec beaucoup de rythme et une grande indépendance des deux mains. Je l’ai vue plusieurs fois et ça m’a bouleversée.
Claude Thibault : Donc, l’influence pour vous n’était pas seulement sa musique, mais aussi comment elle a évoluée sur la scène…
Anke Helfrich : Oui, spécialement à cette époque. Aujourd’hui les choses changent lentement et il y a plus d’ouverture pour les femmes musiciennes. Mais dans le passé c’était un peu différent, il n’y avait pas beaucoup de femmes en jazz. J’avais vu la pianiste italienne Rita Marcotulli avec le band de Dewey Redman et elle était en pleine confiance dans ses interactions avec les autres musiciens. Si t’est une femme et tu veut être acceptée tu doit jouer vraiment bien. Je suis impressionnée d’entendre d’autres femmes pianistes et comment elle se comportent sur scène et avec les autres musiciens. Je sais aussi que comme musicienne plus âgée plusieurs jeunes musiciennes me suivent, transcrivent mes pièces et me remercient d’avoir été là, ce qui les encouragent, comme moi je l’ai été. Pour revenir a Geri Allen elle-même a été inspirée en grandissant à Pittsburgh par Terry Pollard qui a jouée avec Terry Gibbs dans une époque de ségrégation, elle qui était la seule femme noire dans le groupe d’hommes blanc. Elle devait rentrer dans le club par une autre porte, ne pouvait pas parler avec le public etc. Et pourtant elle swinguait tellement. Elle était superbe.
Claude Thibault : Tu part dans quelques jours sur une croisière jazz, parles-nous de cette expérience…
Anke Helfrich : C’est la première fois avec cette croisière mais j’en ai fait une autre de 7 jours il y a quelques années avec mon trio. Il y avait tellement de musiciens a bord, une centaine, en fait plus que les passagers réguliers. Et il y avait beaucoup de légendes allemandes du jazz avec qui j’ai grandi, c’était mes pairs. Et on socialisait beaucoup et on racontait des histoires sur le fameux Victor Borge. On jouait de la musique toute la journée et on jammait. C’était super. Cette fois-ci ça sera différent il y a moins de musiciens mais il y aura Gregory Porter et une autre chanteuse. J’espère pouvoir rencontrer Gregory qui m’avait présentée au German Jazz Awards. Ça va être super de me réunir avec les musiciens de mon trio en préparation en quelque sorte pour notre mini-tournée canadienne. Il y aura aussi beaucoup d’amis alors je suis excitée.
Claude Thibault : Parlons justement de tes musiciens…
Anke Helfrich : Je connais le contrebassiste Dietmar Fuhr depuis une tournée espagnole dans les années 90 et le batteur Jens Düppe peu de temps après. Donc on se connait très bien. Même si on ne s’est pas vus depuis des mois lorsque nous jouons ensemble tout se place et tout reviens. Il y a une grande écoute et une grande confiance entre nous. Le contrebassiste possède une excellent maitrise de l’archet, ce qui fait pleurer ma mère chaque fois car il est si créatif, tout comme le batteur Jens Düppe d’ailleurs. Ça va être super. Nous voici en trio :
Claude Thibault : Anke dans tes rêves les plus fous avec quels musiciens/musiciennes vivant ou pas avec qui tu aimerais jouer ?
Anke Helfrich : Bonne question. La pianiste Geri Allen, c’est sur. Pour voir comment elle interagit et échangerait musicalement. Ça serait extra. Je dois dire que je me sens déjà assez privilégiée d’avoir jouée avec tous les artistes que j’ai rencontré. La batteure Terri Lynne Carrington aussi. Elle est si généreuse comme personne et musicalement. Le guitariste Jim Hall que j’écoutais quand j’étais très jeune. Et que j’ai rencontré dans la années 90 aux ateliers jazz et résidences de Banff. Ça été 4 semaines de pur bonheur dans les Rocheuses. On jouait jour et nuit. John Scofield est aussi un des mes héros. Mais il y en plein d’autres. Aussi le saxophoniste Bradford Marsalis que j’adore.
Claude Thibault : Alors le 24 juin au Upstairs tu nous prépares quoi ?
Anke Helrich : La musique de We’ll Rise (2023), dédiée aux femmes. Mais aussi d’autres pièces, une dédiée à New York, une pièce up-tempo, un peu monkish. Aussi Invictus pièces de mon album Dedication (2015), une pièce dédiée à Nelson Mandela. Je vais aussi réciter un peu de poésie de William Ernest Henley et de Maya Angelou sur ma musique. J’ai une pièce dédiée à l’artiste Frida Kahlo inspirée de son journal personnel dans lequel elle parle de couleurs et d’émotions ou j’associe les accords sur les couleurs, c’est un peu free. Mais aussi du swing pour le bon public du Upstairs. Quelque chose comme ça.
Claude Thibault : merci Anke !
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Anke Helfrich Trio
Anke Helfrich – piano
Dietmar Fuhr – contrebasse
Jens Düppe – batterie

Dietmar Fuhr, Anke Helfrich et Jens Düppe
Mardi le 24 juin @ 19h30, 20h45 et 22h
Upstairs
1254 Mackay
514-931-6808 – réservations téléphoniques de 9 h à 17 h
réservations en ligne
Rêves et bleus de la chanteuse Charlotte Désilets @ Upstairs (22 juin 2025)