
Le samedi 19 avril dernier, j’ai assisté au concert de clôture de la saison 2024-2025 de l’Orchestre national de jazz de Montréal, à la Cinquième Salle de la Place des Arts. L’ensemble chevronné invitait la fabuleuse clarinettiste Virginia MacDonald. Émerveillé par la lumière de la jeune virtuose, le chef Jean-Nicolas Trottier dirigeait en première mondiale une œuvre qu’il a spécialement composée elle : la suite Starbirth.
Starbirth est une composition grandiose
Starbirth est une composition grandiose, brillamment élaborée, incroyablement imagée, pour moi la suite pour orchestre qui m’a le plus éblouie dans ma vie! La pianiste Marianne Trudel, accompagnée de deux béquilles – le jazz est un sport dangereux – dit-elle, ainsi que de son espièglerie habituelle, a elle-même présenté l’œuvre comme étant d’une richesse orchestrale et harmonique splendide. Déployant son imaginaire musical autour de la thématique de l’espace, Jean-Nicolas Trottier, tel Duke Ellington, a soigneusement mis à profit le caractère et la sensibilité de chacun-e des membres de l’orchestre pour faire naître une épopée musicale d’une beauté cosmique.
Calme Mona Lisa à la blancheur stellaire et à la robe rouge comme le coucher de soleil, Virginia MacDonald dégage une aura presque surnaturelle. Concentrée, elle insuffle dans sa clarinette toute son énergie, et il en jaillit un son incandescent qui me subjugue du début à la fin du concert.
Centrifuge nous transporte au milieu du vide
La première pièce de Starbirth, Centrifuge, nous transporte au milieu du vide et nous fait vivre la naissance d’une étoile. De mon hublot, je vois un petit cailloux à la dérive dans l’immensité intersidérale. Marianne Trudel joue au piano des notes curieuses, minimalistes. Bientôt, la force gravitationnelle fait son effet, et l’orchestre entier est pris dans un tourbillonnement d’harmonies veloutées. Mon vaisseau part en vrille sans pouvoir s’arrêter; Bill Mahar, à la trompette, balance la tête tellement il est enjoué, et Virginia, acrobate jamais alourdie par la gravité, remplit de notes virevoltantes les espaces rythmés par les cuivres. Comme si gambader de lune en lune était pour elle quelque chose d’inné.
Remuée par Dusk
J’ai aussi été remuée par Dusk, avec son introduction pianistique dramatique, accompagné d’un bugle tendre et sa courbe d’intensité naturelle. Elle m’amène à visualiser les dernières lueurs d’un crépuscule, lorsque le soleil atteint le summum de sa flamboyance avant d’aller s’éteindre derrière l’horizon. Les couleurs chaleureuses laissent place à un vent froid, puis à une volée d’outardes cherchant à se poser. Un riff de contrebasse excitant nous conduit au mouvement suivant.
Magnetic Storm, Photon et Void
Mon mouvement préféré est Magnetic Storm, où je sentais toute l’appréhension d’une tempête cataclysmique se former, et où la batterie explosive et les solistes menaçaient de mettre feu à la scène. Photon a suivi, honorant d’un bebop fulgurant le monde l’infiniment petit, puis tout s’est déposé en arrivant à Void, chef d’œuvre de mélancolie porté par Virginia. Pendant son solo, Jean-Pierre Zanella ferme les yeux, avec l’air d’un homme qui est à l’endroit qu’il aime le plus au monde.
L’ONJM est un trésor national
Notre voyage intergalactique se termine dans l’étrangeté multidimensionnelle de Éther, évoquant par la symétrie des harmonies une stupeur face à la grandeur de l’univers et à tout ce qui nous en reste d’inconnu à ce jour. Cette présentation de la suite Starbirth a à nouveau démontré la constance avec laquelle l’Orchestre national de jazz de Montréal innove et maintient la qualité visionnaire du jazz au pays. C’est définitif: l’ONJ est un trésor national.
La virtuose Virginia MacDonald, la suite Starbirth et l’ONJM (19 avril)
Direction – Jean-Nicolas Trottier
Artiste invitée – Virginia MacDonald
Saxophones – Jean-Pierre Zanella, Samuel Blais, André Leroux, Frank Lozano, Alexandre Côté
Trompettes – Jocelyn Couture, Aron Doyle, Dave Mossing, Benjamin Cordeau, Bill Mahar
Trombones – David Grott, Édouard Touchette, David Martin, Jean-Sébastien Vachon
Piano – Marianne Trudel
Contrebasse – Rémi-Jean LeBlanc
Batterie – Kevin Warren
site web Virginia MacDonald
site web de l’Orchestre national de jazz de Montréal
facebook
youtube
Charlotte Désilets : charlotte.desilets@gmail.com
La chanteuse de jazz et comédienne Charlotte Désilets se joint a notre équipe de chroniqueurs et nous raconte les passionnants concerts de la grande famille du jazz.
Alain Caron et l’Orchestre national de jazz de Montréal (20 mars 2025)