
Improvisation et freestyle, syncope et flow, reprise de thèmes et sampling, et surtout, les revendications sociales et politiques des afro-américains, les parallèles entre le jazz et le rap sont nombreux, et leur rencontre, féconde. D’un côté, Miles Davis, Herbie Hancock, Roy Hargrove et Robert Glasper intègrent des beats et couplets de rap à leurs pièces, de l’autre, A Tribe Called Quest, Nas, D’Angelo et Kendrick Lamar échantillonnent le catalogue des grands labels et flirtent avec l’harmonie et l’instrumentation du jazz. Si ces deux approches ont généralement en commun le fait d’entretenir la distinction entre jazz et rap, de nouvelles figures comme le pianiste et producteur californien Kiefer brouillent les cartes en proposant avec When There’s Love Around un heureux mélange de jazz, rap, funk, R&B et de musique électronique.
When There’s Love Around – contemplatif, funky et groove planant
Ce musicien de jazz scolarisé et avide beatmaker lançait en août dernier son deuxième album de l’année, When There’s Love Around, toujours sur l’étiquette Stones Throw. En optant cette fois pour une écriture moins cadrée et un ensemble complet constitué d’interprètes parmi les meilleurs de la foisonnante scène de Los Angeles, Kiefer livre ici une douzaine de nouveaux morceaux tantôt contemplatifs, tantôt funky, mais toujours empreints du même groove planant qui fait sa marque de commerce.
Improvisations très réussis en territoire jazz
Divisé en deux sections, When There’s Love Around constitue alors à la fois une ode à l’insouciance et à l’allégresse de l’enfance et un hommage posthume à sa grand-mère. Parfaite démonstration de son savoir-faire, I remember this picture et Curly voient Kiefer puiser dans son bagage de beatmaker pour déployer des riffs enivrants parsemés de délicats écrins mélodiques qui confèrent mouvement et direction à la pièce. La batterie funky et syncopée de Will Logan sur Lift somebody up et When there’s love around révèle quant à elle un côté jazzy, les improvisations très réussies de Kiefer et de Josh Johnson (saxophone) attestant que nous sommes bien en territoire jazz.
When There’s Love Around
Un album étonnant à découvrir qui semble confirmer le fait que, loin de New York, les nouvelles tendances du jazz et leurs artisans
semblent depuis quelque temps provenir de Los Angeles.
Intro / I remember this picture / Lift somebody up avec Josh Johnson / Earthly things / Crybaby / Curly / A wish for you / Loving
hands / Areti’s Love / With you where you are / When there’s love around / I love my friends
Kiefer : Rhodes, Eurorack System, Juno 106, piano
Josh Johnson : saxophone
Andy McCauley : basse
Will Logan : batterie
Carlos Niño : percussions
https://open.spotify.com/album/1ht1VvaJRHg2JxEAUpl9A3
Arnaud G. Veydarier : arnaudgveydarier@gmail.com / Facebook / twitter
Arnaud G. Veydarier est guitariste, a étudié la musicologie à l’Université de Montréal et nourrit un intérêt prononcé pour le jazz, la musique contemporaine et les liens entre musique et développement urbain. Il est également impliqué à la Coopérative des professeurs de musique. Pour voir tout ses bons plans et chroniques d’albums, c’est ici