
Voilà plus de trente ans que le trompettiste japonais distille son mélange unique de jazz infusé de post-bop, de funk, d’afrobeat et de hip-hop. Si sa dernière parution Everyday (2025) affine encore une formule déjà bien rodée, en continuité évidente avec Rising Son (2014) et Midnight Crisp (2022), ces huit nouveaux titres le voient incorporer des influences R’n’B et neo-soul, et même quelques clins d’œil non dissimulés à Robert Glasper et Erykah Badu. On devine les heures passées à chercher, à expérimenter, signe d’une maturité artistique toujours en mouvement après trois décennies de carrière.
La fusion sans fausse note
Même entouré d’une volée de talents incluant le saxophoniste Craig Hill, le batteur David Frazier et le pianiste Takahiro Izumikawa, le trompettiste ne manque pas de briller par ses talent d’arrangeur et son goût certain pour l’agencement de textures hétéroclites. Le trompettiste affiche également une capacité rare à actualiser des traits puisés dans des genres parfois surexploités, dans ce cas-ci la fusion. Les mélodies et progressions complexes coulent de source et s’insèrent dans une trame cohérente, sans jamais compromettre l’originalité de sa plume personnelle, ce qui n’est pas peu dire.
Une palette sonore riche et contrastée
Après une introduction en droite ligne de l’ambiance vaporeuse de Tutu (1986) de Miles Davis, Everyday (2025) révèle un croisement d’influences hip-hop, rock et électro sur un groove afrobeat. À l’inverse, Must Have Known ralentit le tempo et plonge dans une ambiance soul marquée par la voix chaleureuse de Corey King qui insuffle une sensualité assumée. Off To Space fait remonter le tempo avec ses claviers flottants et sa rythmique saccadée. Entre post-bop et soul cosmique, le morceau prend son envol sur un solo de trompette enlevant de Takuya Kuroda. Si l’orgue vintage sur Iron Giraffe injecte une dose de soul bien rétro, Bad Bye ramène les musiciens dans le présent avec ses beats programmés et la voix neo-soul de la chanteuse FiJA.
Le dernier tiers de l’album s’amorce en beauté, Car 16 15 A et Hung Up On My Baby illustrant le plein éventail de nuances qui traversent l’album : solos percutants, riffs hyperactifs, rythmiques afro-cubaines, nappes de synthés liquides, et j’en passe. Takuya Kuroda troque ensuite sa trompette pour le bugle sur Curiosity, une finale qui voit les musiciens ralentir le tempo et boucler l’album tout en douceur.
On reste en haleine de bout en bout, chaque titre offrant une myriade d’accents et de textures qui s’intègrent pourtant harmonieusement dans l’ensemble.
Intro – The Only Way / EVERYDAY / Bad Bye / Car 16 15 A / Must Have Known / Off To Space / Iron Giraffe / Hung Up On My Baby / Curiosity
Takuya Kuroda – trompette et bugle
Corey King – voix
Fija – voix
Takahiro Izumikawa – piano
Craig Hill – saxophone
David Frazier – batterie
Arnaud G. Veydarier : arnaudgveydarier@gmail.com / Facebook / twitter
Arnaud G. Veydarier est un guitariste formé en musicologie à l’Université de Montréal. Son parcours reflète un intérêt profond pour le jazz, la musique contemporaine et les croisements entre musique et urbanité. Après plusieurs années passées à œuvrer dans le milieu culturel, il se consacre désormais à l’urbanisme, tout en continuant de prendre la scène au sein de divers ensembles. Vous pouvez le retrouver ici toutes les deux semaines dans ses critiques d’albums où il explore les nouvelles formes du jazz contemporain. Pour voir toutes ses chroniques, c’est ici