Reconnu pour sa virtuosité et son « pocket » exceptionnel, le batteur américain Nate Smith lançait Live Action (2025) en août dernier, un nouvel album enregistré en direct dans un esprit résolument DIY et analogique.
Une pléiade d’invités de marque — Lalah Hathaway, säje, Lionel Loueke, Marquis Hill, Michael League, Charlie Hunter et Keifer
Dans la droite ligne de sa fusion éclectique, nourrie par des années d’expérience comme musicien de studio, cette nouvelle offrande très attendue réunit une pléiade d’invités de marque — Lalah Hathaway, säje, Lionel Loueke, Marquis Hill, Michael League, Charlie Hunter et Keifer. Au menu, le batteur nous sert la même recette gagnante : un savant mélange de jazz, de funk à la Prince et de neo-soul, soutenus par des rythmes fluides à la J Dilla, le tout baignant dans la tradition orchestrale de Quincy Jones.
Last Sight incarne l’essence de Live Action (2025)
S’il fallait réduire l’essence de Live Action (2025) à une seule pièce, Last Sight incarnerait sans doute le plus fidèlement l’esthétique unique de l’album. Le saxophone de Josh Johnson s’élève en volutes sur une pulsation électro douce et liquide, s’entremêlant aux frappes millimétrées de Nate Smith. L’atmosphère est feutrée, contemplative, mais jamais figée : le morceau évoque le rythme incertain d’une ville crépusculaire, entre agitation et quiétude. Ce subtil équilibre entre maîtrise technique et sensibilité donne le ton à un disque nourri d’histoires et d’influences musicales multiples.
À l’autre bout du spectre, Magic Dance, avec le guitariste Lionel Loueke et le bassiste Michael League, insuffle une chaleur solaire à l’album. Le jeu stratosphérique de Loueke, mêlant harmonies vocales et influences africaines, tisse une trame vibrante sur laquelle le batteur pose une rythmique agile, à la fois souple et ciselée. Ce trio de choc n’en est d’ailleurs pas à ses premiers éclats — certain·es auront eu la chance de les voir à l’œuvre au Festival de jazz de Montréal en 2023. Le dialogue entre les musiciens transcende les frontières, évoquant une transe douce et colorée où Smith ne se contente pas de diriger : il écoute, relance, et ouvre l’espace dans un morceau à la fois méditatif et dansant, sans jamais écraser les voix singulières de ses partenaires.
Big Fish est sans conteste un autre sommet de l’album
Coécrite avec Amanda Taylor du quatuor vocal säje, Big Fish est sans conteste un autre sommet de l’album, révélant cette fois sa dimension plus intimiste. Les harmonies aériennes du groupe se posent sur une instrumentation épurée, laissant vibrer chaque souffle et chaque inflexion. Nate Smith accompagne avec une délicatesse presque effacée, dans un morceau qui témoigne de son art du détail — et surtout de son goût pour les petites imperfections et aspérités qui donnent vie à la musique.
Sans atteindre l’ampleur expressive des deux albums Kinfolk, Live Action (2025) brille par sa chaleur et sa capacité à faire dialoguer les styles et les musiciens de manière organique, sans jamais forcer les choses. Plus dépouillé, plus brut, l’album porte la marque d’un artisan du rythme qui préfère les « heureux petits accidents » au son lisse et aseptisé souvent associé à la fusion moderne.
Now avec Josh Johnson / Undedeated avec JSWISS et Marquis Hill / Automatic avec Lalah Hathaway / Magic Dance avec Lionel Loueke et Michael League / Big Fish avec säje / Cough Drop avec Kiefer et CARRTOONS / Mother and Son avec Marquis Hill et Ben Williams / Juke Joint avec Jermaine Holmes, Charlie Hunter et DJ Harrison / Last Sight avec Josh Johnson / Super Moon
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Arnaud G. Veydarier : arnaudgveydarier@gmail.com / Facebook / twitter
Arnaud G. Veydarier est guitariste, a étudié la musicologie à l’Université de Montréal et nourrit un intérêt prononcé pour le jazz, la musique contemporaine et les liens entre musique et développement urbain. Il est également impliqué à la Coopérative des professeurs de musique. Pour voir tout ses bons plans et chroniques d’albums, c’est ici
