Guitariste, compositrice et infatigable exploratrice sonore, Mary Halvorson lance About Ghosts (2025), un excellent nouvel album qui s’ajoute à une discographie aussi dense qu’inclassable.
About Ghosts (2025) illustre à merveille la singularité de l’univers musical de Mary Halvorson
D’Anthony Braxton à Marc Ribot, en passant par Ambrose Akinmusire, Tomeka Reid et Bill Frisell, sans oublier ses propres ensembles, Mary Halvorson s’est taillée une place de choix dans le club très select de l’avant-garde new-yorkaise, multipliant les collaborations atypiques entre jazz et expérimentation radicale. Même lorsque sa musique flirte avec l’abstraction la plus sinueuse, elle reste traversée par des mélodies fortes et des harmonies lumineuses qui rayonnent bien au-delà des seules scènes contemporaines. About Ghosts (2025) illustre à merveille la singularité de cet univers musical, où l’écriture dialogue avec l’improvisation libre, les dissonances avec les mélodies accrocheuses.
Carved From – une montée en puissance des cuivres
Aux commandes du sextet Amaryllis avec qui elle a déjà signé les tout aussi excellents Amaryllis (2022) et Cloudward (2024), Mary Halvorson livre huit nouveaux titres qui délaissent les arrangements de cordes des parutions précédentes au profit d’une palette de cuivres élargie, avec Immanuel Wilkins (sax alto) et Brian Settles (sax ténor) qui se joignent aux fidèles du sextet, Adam O’Farrill (trompette) et Jacob Garchik (trombone). Cette montée en puissance des cuivres frappe de plein fouet sur la très nerveuse Carved From, démontrant que les musiciens maîtrisent aussi bien l’art du swing que celui de l’explosion collective.
Full of Neon lance le bal avec le vibraphone miroitant de Patricia Brennan
Dans le style typique de la guitariste, Full of Neon lance le bal avec le vibraphone miroitant de Patricia Brennan et les rythmes circulaires de Tomas Fujiwara, superposés de lignes de cuivres sinueuses qui se tissent, s’entrelacent, se défont et se recomposent. D’abord en retrait, la guitare de Mary Halvorson finit par s’inviter avec éclat. Par la suite Absinthian file à vive allure avec ses tempos acérés, ses enchaînements de solos et ses cuivres éclatants qui rappellent l’énergie d’un big band, mais passée à travers le prisme anguleux et contemporain de la guitariste.
Amaranthine prolonge ce dialogue mouvant entre structure et liberté
Amaranthine prolonge ce dialogue mouvant entre structure et liberté, démarrant sur une pulsation vacillante avant de s’ouvrir sur une envolée mélodique du trompettiste Adam O’Farrill et le trombone de Jacob Garchik. Plus introspective, Eventidal fait converser la guitare et le vibraphone avec douceur, alors que la pièce-titre synthétise toute l’esthétique de l’album : un jazz aux allures de mirage, suspendu entre complexité rythmique, intuition et émotion pure.
Sur About Ghosts, on retrouve définitivement le côté étrange et singulier, sorte d’heureux mélange entre talent et candeur, qui fait de Mary Halvorson une artiste unique et absolument inclassable.
Full of Neon / Carved From / Eventidal / Absinthian / About Ghosts / Amaranthine / Polyhedral / Endmost
Mary Halvorson – guitar (1-8), synthéthiseur (Pocket Piano) (1–3,8)
Immanuel Wilkins – saxophone alto saxophone (1-2,4-5)
Brian Settles – saxophone ténor (1-2,5,8)
Adam O’Farrill – trompette (1-8)
Jacob Garchik – trombone (1-8)
Patricia Brennan – vibraphone (1-8)
Nick Dunston – basse (1-8)
Tomas Fujiwara – batterie (1-8)
Arnaud G. Veydarier : arnaudgveydarier@gmail.com / Facebook / twitter
Arnaud G. Veydarier est un guitariste formé en musicologie à l’Université de Montréal. Son parcours reflète un intérêt profond pour le jazz, la musique contemporaine et les croisements entre musique et urbanité. Après plusieurs années passées à œuvrer dans le milieu culturel, il se consacre désormais à l’urbanisme, tout en continuant de prendre la scène au sein de divers ensembles. Vous pouvez le retrouver ici toutes les deux semaines dans ses critiques d’albums où il explore les nouvelles formes du jazz contemporain. Pour voir toutes ses chroniques, c’est ici
