
Avant de succomber au côté « smooth » et édulcorée des années 1980, le jazz fusion connait une phase expérimentale particulièrement bouillonnante sous l’impulsion d’insatiables explorateurs comme Miles Davis, Chick Corea, John McLaughlin et Larry Coryell. C’est précisément dans cet esprit que le collectif de musiciens réunit par les réputés producteurs Bruce Lampcov et Martin Terefe s’est attaqué à un classique du genre, l’indétrônable Bitches Brew (1969) de Miles Davis. Loin de tomber dans la redite ou le pastiche, London Brew (2023) relève davantage d’une célébration. Tout en prenant acte de cet héritage, les musiciens parviennent collectivement à s’en affranchir à travers un pur exercice de création, à l’image de l’original.
London Brew (2023) célèbre Bitches Brew (1969)
Originalement lancé en 2020 en tant que tournée célébrant le cinquantième anniversaire de Bitches Brew (1969), le projet avorte en raison de la pandémie et renaît de ses cendres sous la forme d’un album. À l’instar de l’original, London Brew (2023) fait appel à un ensemble d’une douzaine de musiciens prenant part à des sessions d’enregistrement largement improvisées sur trois jours. Une instrumentation similaire est également employée (deux batteurs, percussions, plusieurs claviéristes, guitare, saxophone, hautbois et clarinette basse), à l’exception de la trompette qui brille par son absence.
De l’exotisme au funk, en passant par les grooves modaux
De l’exotisme au funk, en passant par les grooves modaux, la pièce d’ouverture London Brew s’amorce sur des drones de cordes éthérés, des sons électroniques et des lignes mélodiques au saxophone et au hautbois évoluant par-delà une pulsation rythmique réduite à son plus simple apparat. La seconde moitié de la pièce éponyme introduite des effets de production dub et des lignes de basses évoluant au gré de signatures temporelles changeantes, de manière similaire au « chaos contrôlé » de l’album original.
Mor Ning Prayers, Nu Sha Ni Sha Nu Oss Ra et Raven Files Low
Mor Ning Prayers capitalise sur un groove de dix minutes amorcé par le guitariste Dave Okumu sur un groove afrobeat. Nu Sha Ni Sha Nu Oss Ra offre quant à elle un des rares moments méditatifs de l’album, au son du chant improvisé de la chanteuse Shabaka Hutchings. S’éloignant encore davantage de l’album original et de son créateur, Raven Flies Low s’achève sur un groove dub qui se transforme petit à petit en valse tournoyante, avant de clore le tout sur un trio plus sombre, presque classique, pour violon, basse à archet et guitare électrique.
London Brew / London Brew Pt.2 – Trainlines / Miles Chases New Voodoo in the Church / Nu Sha Ni Sha Nu Oss Ra / It’s One of These / Bassics / Mor Ning Prayers / Raven Flies Low
Martin Terefe – producteur, ingénieur de son, guitariste
Nubya Garcia – saxophone, flute
Shabaka Hutchings – saxophone, vents
Benji B – tables tournantes, recyclage sonique
Dave Okumu – guitare
Theon Cross – tuba
Raven Bush – violon, électronique
Nikolaj Torp Larsen – synthétiseur, mélodica
Nick Ramm – piano, synthesizers
Tom Herbert – basse électrique, contrebasse
Tom Skinner – batterie, percussions
Dan See – batterie, percussions
Arnaud G. Veydarier : arnaudgveydarier@gmail.com / Facebook / twitter
Arnaud G. Veydarier est guitariste, a étudié la musicologie à l’Université de Montréal et nourrit un intérêt prononcé pour le jazz, la musique contemporaine et les liens entre musique et développement urbain. Il est également impliqué au Centre de musique canadienne du QC. Pour voir tout ses bons plans et chroniques d’albums, c’est ici