
Dernière pépite du collectif londonien, Tuff Times Never Last (2025) séduit par son engagement politique tout en douceur, où le groove devient refuge, et la joie une réponse lucide aux vertiges d’une époque incertaine.
Tuff Times Never Last (2025) – une fusion éloquente de jazz, néo-soul, funk et bossa nova
Formé lors d’un voyage artistique au Kenya, le groupe s’est donné pour mission de reconnecter la diaspora africaine aux musiques pop. Après un excellent premier album (Could We Be More) dont nous avons fait la critique en 2022, les musiciens conservent la même recette gagnante, une fusion éloquente de jazz, néo-soul, funk et bossa nova, mais avec plus de douceur, de nuance et de maturité. Avec l’arrivée de Tobi Adenaike-Johnson (guitare) et Duane Atherley (basse/claviers), les musiciens signent un retour inspiré, livrant onze nouveaux titres à la fois solaires et introspectifs, tissés de grooves feutrés et de textures soyeuses, où joie rime avec résistance.
Never Lost, Sweetie et Closer to Me
Le ton est donné dès Never Lost avec son tempo posé et ses cuivres enveloppants qui constituent une invitation à la lenteur. L’album prend une tournure plus joueuse avec Sweetie qui flirte avec la soul britannique des années 1980, tandis que les cuivres dialoguent sans jamais s’imposer. Closer to Me évoque quant à elle la tendresse d’un début d’idylle, entre claviers vaporeux et arrangements vocaux discrets. Aucune démonstration ostentatoire, Kokoroko privilégiant l’écoute mutuelle et la retenue, au service d’une musique organique et profondément collective. Chaque morceau respire dans un subtil équilibre entre la voix, les silences et la pulsation intérieure du groupe.
Time and Time, Together We Are, Three Piece Suit et Just Can’t Wait
Plusieurs collaborations enrichissent la palette sonore de Tuff Times Never Last (2025). Portée par la voix veloutée de Demae, Time and Time marie néo-soul et rythmes afro-diasporiques avec une grâce aérienne. Together We Are glisse entre electronica douce et fanfare mélancolique, alors que Three Piece Suit nous enveloppe dans une atmosphère intime et crépusculaire. Si l’album se déroule sans véritables pics ni contrastes marqués, c’est qu’il mise davantage sur la continuité, aspirant tranquillement l’auditeur au son d’un jazz humble et chaleureux. À noter toutefois Just Can’t Wait, seul moment d’extase tardive où basse, guitares et cuivres se libèrent brièvement dans un groove euphorique.
Tuff Times Never Last (2025) s’impose dès lors comme un manifeste, entre fête et deuil, où le groove devient à la fois exutoire, geste politique et remède collectif.
Avec Over / Reprise, Kokoroko referme l’album comme on ferme une fenêtre à la nuit tombée, sans heurt, sur un message lumineux : les temps durs passent, mais la musique demeure. Sans jamais céder à la colère ni au désespoir, le collectif propose une vision du monde empreinte d’une douce chaleur, et surtout une invitation à ralentir. Tuff Times Never Last (2025) s’impose dès lors comme un manifeste, entre fête et deuil, où le groove devient à la fois exutoire, geste politique et remède collectif.
Never Lost / Sweetie / Closer To Me / My Father in Heaven / Idea 5 (Call My Name) (avec LULU) / Three Piece Suit (avec Azekel) / Time and Time (avec Demae) / Da Du Dah / Together We Are / Just Can’t Wait Over / Reprise
Sheila Maurice-Grey : trompette et voix
Cassie Kinoshi : sax alto et voix
Richie Seivwright : trombone et voix
Tobi Adenaike-Johnson : guitare
Yohan Kebede : synthétiseurs et claviers
Duane Atherley : basse, synthétiseurs et claviers
Onome Edgeworth : percussions
Ayo Salawu : batterie
Arnaud G. Veydarier : arnaudgveydarier@gmail.com / Facebook / twitter
Arnaud G. Veydarier est guitariste, a étudié la musicologie à l’Université de Montréal et nourrit un intérêt prononcé pour le jazz, la musique contemporaine et les liens entre musique et développement urbain. Il est également impliqué à la Coopérative des professeurs de musique. Pour voir tout ses bons plans et chroniques d’albums, c’est ici
