
Vallons verdoyants, bocage normand, ruelles pavées, jardins suspendus, places publiques pleines de charme et cathédrale gothique, c’est dans ce décor que se tient chaque printemps l’un des festivals de jazz les plus attendus de France. Après un bref passage au festival Récif de Lyon en avril dernier, je poursuis mon périple en Normandie, direction Coutances, pour vivre l’effervescence du festival Jazz sous les pommiers qui avait lieu du 24 au 31 mai. Voici un petit compte-rendu de mon séjour sous les pommiers qui saura, je l’espère, transmettre un brin de la magie des lieux.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le compte-rendu des concerts de Donnie McCaslin / Ishkera, Hiromi’s Sonicwonder, Rubalcaba / Potter / Grenadier / Harland, Photons, Amaro Freitas Trio et Emile Londonien.

Jazz sous les pommiers @ Coutances (photo : Pierre-Yves Le Meur)
Coutances en mode jazz
Nichée à 300 km à l’ouest de Paris, à une quinzaine de minutes du littoral de la Manche, la charmante petite ville de Coutances se transforme chaque printemps en un véritable havre festif. Pendant une semaine, ses ruelles, chapiteaux, places publiques et salles de spectacle vibrent au rythme du jazz, dans une atmosphère chaleureuse et conviviale où l’on sent une passion de longue date pour la note bleue.

Jazz sous les pommiers @ Coutances (photo : Pierre-Yves Le Meur)
Jazz sous les pommiers traverse les décennies sans renier son identité
Fondé en 1982, Jazz sous les pommiers fait partie de ces rares festivals qui traversent les décennies sans renier leur identité. Ce qui ne l’a pas empêché d’attirer – et de continuer à attirer – de grosses pointures comme Sonny Rollins, Joe Henderson, Gil Evans, McCoy Tyner, Chick Corea, Herbie Hancock, Carla Bley, Joe Zawinul, Roy Hargrove…La liste est aussi longue que prestigieuse. Mais là où d’autres festivals ont pris de l’ampleur au point de s’édulcorer, Jazz sous les pommiers a su préserver cette ambiance unique, à la fois conviviale et intimiste. On prend plaisir à déambuler dans les rues animées entre deux concerts, un verre de cidre à la main, porté par le son des fanfares et l’effervescence ambiante.

Gonzalo Rubalcaba, Chris Potter et Larry Grenadier – Jazz sous les pommiers @ Coutances (photo : Didier Eudes)
Un bel équilibre entre têtes d’affiche et découvertes, tradition et audace, stars internationales et talents locaux
Ce qui ne veut pas dire que le festival n’a pas évolué depuis sa première édition en 1982. Bien au contraire. La programmation de cette année témoigne d’un bel équilibre entre têtes d’affiche et découvertes, tradition et audace, stars internationales et talents locaux. Pour Gérard Collet, ou Gégé pour les intimes, un bénévole du festival de la première heure, « le borderline chez nous, c’est l’improvisation, et un équilibre à 50/50 entre artistes d’ici et d’ailleurs ». Et cela se reflète dans l’affiche de cette année, où se côtoient de grands orthodoxes comme Gonzalo Rubalcaba, Chris Potter et Kahil El’Zabar, des chefs de file des scènes contemporaines comme Donny McCaslin et Amaro Freitas, ainsi qu’une belle palette d’artistes à la croisée des genres, dont Pink Martini, Caravan Palace, Salif Keïta, Sophye Soliveau… sans oublier une certaine fanfare du Québec menée par le trompettiste Jacques Kuba Séguin !

Amaro Freitas – Jazz sous les pommiers @ Coutances (photo : Clémence Goupillot)
Quand passion rime avec engagement
À en croire les 70 000 festivaliers réunis cette année (un record de fréquentation), la magie opère bel et bien. Mais au-delà des chiffres, c’est aussi l’engagement sans faille de plusieurs centaines de bénévoles qui fait battre le cœur du festival. D’année en année, ils prennent en charge des tâches aussi variées que la billetterie, l’accueil du public, la rédaction des notes de programme, la mise en œuvre d’initiatives écologiques, et même la programmation artistique. C’est notamment le cas de Gégé qui, membre du comité de programmation depuis plus de quarante ans, écume à l’année les salles de concert de Paris, où il habite, à la recherche de pépites pour la prochaine édition du festival.

L’lliade – Jazz sous les pommiers @ Coutances (photo : Didier Eudes)
Le sympathique Gégé – un pilier de l’organisation
Très apprécié de ses pairs, ce sympathique retraité et musicien amateur est devenu avec le temps un véritable pilier de l’organisation. Pour lui, l’identité du festival repose en grande partie sur l’implication des bénévoles, qui insufflent chacun à leur manière une couleur singulière à l’expérience. La diversité des affinités musicales au sein du comité de programmation — enrichie par la sensibilité éclectique de son directeur général, Denis Lebas — contribue à la richesse et à l’originalité de l’affiche qui mêle jazz traditionnel et contemporain, musiques du monde, blues, soul, funk, électro, et j’en passe, toujours portées par un même élan : celui de la spontanéité et du plaisir du live.

Gégé avec Eric Harland – Jazz sous les pommiers @ Coutances (photo : Pierre-Yves Le Meur)
Un engagement d’autant plus remarquable pour un festival de région qui témoigne de l’attachement profond qu’il suscite chez ses fidèles. Gégé explique d’ailleurs que cet engagement est vital à la survie du festival. Comme au Québec, la précarité plane sur le milieu culturel français, le ministère de la Culture ayant vu son budget réduit de 150 millions d’euros en 2025. Qu’à cela ne tienne, le Jazz sous les pommiers continue à tirer son épingle du jeu, offrant cette année encore une programmation fournie avec soixante-quatre concerts payants et plus d’une centaine d’évènements gratuits. Et les dates de la 45e édition du festival ont d’ores et déjà été annoncées : du 8 au 16 mai 2026
Une expérience à découvrir pour toute personne de passage en Normandie, qui nous plonge dans un microcosme effervescent, où l’on passe sans transition de concerts en salles à une explosion de cuivres au détour d’une rue, signe qu’à Coutances, le jazz se vit autant qu’il s’écoute.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le compte-rendu des concerts de Donnie McCaslin / Ishkera, Hiromi’s Sonicwonder, Rubalcaba / Potter / Grenadier / Harland, Photons, Amaro Freitas Trio et Emile Londonien.
crédit photos : Francis Bellamy, Pierre-Yves Le Meur, Didier Eudes et Clémence Goupillot
Arnaud G. Veydarier : arnaudgveydarier@gmail.com / Facebook / twitter
Arnaud G. Veydarier est un guitariste formé en musicologie à l’Université de Montréal. Son parcours reflète un intérêt profond pour le jazz, la musique contemporaine et les croisements entre musique et urbanité. Après plusieurs années passées à œuvrer dans le milieu culturel, il se consacre désormais à l’urbanisme, tout en continuant de prendre la scène au sein de divers ensembles. Vous pouvez le retrouver ici toutes les deux semaines dans ses critiques d’albums où il explore les nouvelles formes du jazz contemporain. Pour voir toutes ses chroniques, c’est ici