entrevue : Chico Pinheiro @ Dièse Onze (29 mars)

Chico Pinheiro en entrevue

L’exceptionnel guitariste brésilien Chico Pinheiro sera en concert avec le batteur/percussioniste Vitor Cabral, le pianiste Manoel Vieira, le saxophoniste Jean-Pierre Zanella, le trompettiste Joâo Lenhari et le contrebassiste Frédéric Alarie, ce vendredi 29 mars @ 19 h et 21 h30 @ Dièse Onze. Voici donc une entrevue et un peu de sa musique pour vous mettre l’eau à la bouche et dans l’esprit de ce concert de Chico Pinheiro @ Dièse Onze. Le lendemain, le Weekend brésilien du Dièse se poursuit avec Jean-Pierre Zanella, Vitor Abral, François Bourassa et Rémi-Jean LeBlanc le 30 mars.




Entrevue : Chico Pinheiro @ Dièse Onze


Claude Thibault : Bonjour Chico, comment la musique a-t-elle commencée pour toi a 6 ans ?


Chico Pinheiro : Ma mère jouait du piano et de la guitare pour le plaisir. Elle joue encore mais pas autant qu’avant. La musique a toujours été au cœur de notre famille. Mes soeurs et moi avons été exposés a une grande variété de genres, que ce soit le choro ou le MPB (Musica Popular Brasileira), ainsi que le classique, le rock, le rock progressif, et le jazz. Mes premières obsessions musicales : The Beatles et Jimi Hendrix. Adolescent j’ai découvert des groupes comme Yes et je suis intéressé d’avantage a la musique brésilienne. Ensuite c’était le jazz et le classique, plus spécifiquement Miles Davis, John Coltrane, Weather Report, Pat Metheny, Chopin, Heitor Villa-Lobos, Debussy, Ravel, Mahler, la Seconde école de Vienne (que j’adore – Schoenberg, Berg, et Webern), et ainsi de suite. A six ans j’ai « volé la guitare »  de ma mère et j’ai commencé a jouer en autodidacte. Elle m’a donné ma première guitare a sept ans et je n’ai jamais arrêté depuis.


Claude Thibault : Ta musique c’est la rencontre de la musique brésilienne, du jazz et du classique – qu’est-ce que t’aime dans chacune de ses musiques ?


Chico Pinheiro : Très bonne question. Chacun de ces genres apporte quelque chose que me fascine et je crois que ça se retrouve intuitivement et organiquement dans ma musique. La musique brésilienne se démarque par des harmonies très sophistiquées, et cela bien avant la bossa nova. Pixinguinha, par exemple, le père du choro, a été fortement influencé par la musique classique européenne. On parle de la période autour du 21ième siècle. Son influence se fait sentir dans les quatorze choros de Villa Lobos. Villa aimait Pixinguinha. Et Villa a grandement influencé Tom Jobim, qui est le père harmonique de le bossa nova, avec la contribution de la guitare rythmique de João Gilberto. Le rythme de la musique brésilienne, avec toutes ses variations et ses harmoniques, est singulière, et très différente. Sans oublier Clube da Esquina, les sambas de Noel, Nelson Cavaquinho, et Cartola, etc. Les textes de la musique brésiliennes ont toujours eu une certaine profondeur, surtout avec des gens comme Aldir Blanc, Paulo César Pinheiro, Cacaso, Fernando Brant, etc. Le jazz m’a toujours influencé avec son bagage de finesse, de finition, de sophistication, de spontanéité, mais surtout dans sa quête incessante de la liberté. Le blues quand a lui, est fondamental et un monde en soi. La musique classique m’influence en termes de direction de la voix, ses harmonies, surtout en composition. Mais c’est important de se souvenir que tous ces genres, incluant le rock et le prog rock, la pop, la R&B, etc…ont des intersections, et ce sont ses intersections qui m’intéressent.


Claude Thibault : Tu a joué avec une foule d’excellents musiciens sur tes projets, tels que Lenine, Chico Cesar et Joao Gilberto ainsi que sur d’autres projets de Placido Domingo a Kurt Elling…qu’est-ce que t’apprécie dans ces collaborations musicales ?


Chico Pinheiro : Une autre bonne question. Je crois que quand je collabore avec n’importe quel artiste, peu importe le genre, je tente de le mettre très a l’aise. Pas pour l’orienter dans une espace aride et sans risque mais au contraire le mettre à l’aise de prendre des risques et de plonger tête première dans l’interaction musicale qui se passe. Ça semble peut-être simple sur papier mais dans la vraie vie c’est autre chose. Écouter et réagir en conséquence demande beaucoup de temps, de bagage culturel et au delà de tout ça un réel désir de vouloir entendre ce que l’autre personne peut contribuer. J’ai aucun problème avec aucun genre : je suis loin d’être un jazz snob et je crois que ça aide d’écouter mes collègues en studio comme sur scène et de voir la beauté qu’ils créent. Je tente toujours de réagir afin que ce que nous créons ensemble soit riche en intentions, avec un sens, et que ça connecte avec le public. Le public est capable d’avoir une bien plus grande écoute qu’on le pense. Ils sentent absolument tout ce qui se passe sur scène, même s’ils ont aucunes connaissances académiques pour juger ; les oreilles mentent pas. Quand quelque chose de spécial se passe, le public embarque, toujours.


Claude Thibault : Tu sera en concert ce vendredi 29 mars @ Dièse Onze en sextet. Quel sera ton répertoire ?


Chico Pinheiro : Exactement. Le répertoire sera un mix de mes albums, parsemé de certains standards brésiliens et jazz. Djavan, Shorter, Corea. Et, qui sait, un thème pourrait voir le jour et se retrouver dans le répertoire ?



Claude Thibault : Parlons des musiciens du groupe. Avec Vitor Cabral (batterie) Manoel Vieira (piano) Jean-Pierre Zanella (sax) Joâo Lenhari (trompette) et Frédéric Alarie (contrebasse) – Tu as déjà joué beaucoup avec Vitor et tu as passé la semaine en classes de maîtres à l’Université de Montréal avec la plupart des autres…quelques mots sur cette formation…


Chico Pinheiro : Ça sera une première avec ce groupe le 29. Manoel, Jean-Pierre, João, et Frédéric se connaissent déjà. Comme je suis là depuis quelques jours on a eu le temps de connecter entre les répétitions. C’est le genre de choses qui arrivent souvent. Quand je suis invité avec des big bands ou des orchestres partout sur la planète, la connexion doit se faire rapidement, et ça ça me donne beaucoup d’énergie. Je connais bien Vitor Cabral avec qui j’ai partagé la scène a plusieurs reprises au Brésil, et j’ai toujours aimé nos rencontres. C’est un musicien d’exception avec un style et une créativité singulière sur son instrument. En janvier au Brésil on a enregistré sur l’album du grand bassiste brésilien Jorge Helder. J’ai hâte d’y être avec Vitor, Manoel et son groupe @ Dièse.


Claude Thibault : Qu’est-ce que t’aime de l’enseignement et des classes de maître ?


Chico Pinheiro : Ce que j’aime le plus des classes de maîtres c’est l’occasion d’échanger des idées et des concepts avec autant de musiciens et des étudiants de toutes sortes de provenances et de milieux. J’enseigne la guitare @ New School of Manhattan depuis un certain temps et de plus en plus je m’aperçois que comme enseignant on devient aussi un étudiant. C’est la réalité. La curiosité est un élément fondamental et essentiel pour un artiste.


Claude Thibault : Qu’est-ce que t’aime le plus de jouer de la musique ?


Chico Pinheiro : Jouer de la musique sur scène ou en studio, ou créer tout simplement de la musique a toujours été une expérience transcendantale pour moi. C’est une expérience qui la pouvoir de me transporter a des endroits inattendus, mentalement et émotivement. Lorsque ça arrive, je suis complètement satisfait et libéré, et ça, ça n’a pas de prix. Je crois que spécialement aujourd’hui, avec l’abondance d’information et de distractions que nous vivons, pouvoir s’engager dans ce genre d’expérience est incroyablement enrichissant. C’est le moment de prendre un pause du rythme accéléré de cette vie et de se reconnecter a nous-même et nos émotions. C’est quelque chose que je n’ai jamais et que je ne prendrai jamais pour acquis.


Claude Thibault : Parles-nous de ta superbe guitare rouge…


Chico Pinheiro : Elle est magnifique ? Cette guitare est très spéciale. Elle a été conçue pour un des pionnier de la guitare archtop aux États-Unis, Bon Benedetto, et construite par l’équipe de Damon Mailand. Ces guitares sont méticuleusement assemblées à la main avec beaucoup de soin et d’attention. C’est le summum de la lutherie artisanale. Cet instrument  a été fabriqué spécialement pour moi. Tout ça a commencé quand Howard Paul, le patron de la boite était a un concert que j’ai donné avec mon 4tet a Savannah, en Georgie, ou l’usine Benedetto est située. On avait discuté d’une possible collaboration. Ils ont construit l’instrument et depuis 2012 je suis leur porte-étendard. La guitare est parfaite pour mon style. Elle dégage un superbe son acoustique, qui lorsque jumelé avec le pickup, crée un incroyable équilibre de dynamiques, de douceur et de puissance. Elle a tout ce dont j’ai besoin d’une guitare.



Claude Thibault : Qu’est-ce que t’aimerais ajouter au sujet du concert de ce vendredi ?


Chico Pinheiro : J’ai très hâte et suis fébrile. Je suis sur que ça sera quelque chose de spécial. J’ai hâte de vous voir tous a ce concert.


site web

facebook

instagram

youtube


En studio @ 14 ans


Un superbe guitariste d’une grande fluidité qui possède une sonorité exceptionnelle, ce compositeur marie la musique brésilienne, le classique et le jazz, et a été nominé @ Grammy Awards en 2019 et 2020. Natif de São Paulo au Brésil, il commence la guitare a 6 ans et débute comme musicien de studio a 14 ans sur des enregistrements avec en premier des musiciens de sa ville natale, ensuite au Brésil et à l’international.


Un premier album en 2003 : Meia Noite Meio Dia


En 2002 il crée son premier groupe en tant que leader et enregistre Meia Noite Meio Dia (2003) qui se mérite un accueil enthousiaste des grands journaux et périodiques brésiliens, se hissant sur la liste de 10 meilleurs albums brésiliens de l’année avec la participation de Lenine, Ed Motta, Chico César et Maria Rita.


8 albums et une foule de collaborations


Aujourd’hui, avec 8 albums a son actif Chico Pinheiro est considéré comme un chef de file de la musique brésilienne et se démarque en tant que guitariste, compositeur et arrangeur.


Meia Noite Meio Dia (2003)
Chico Pinheiro (2005)
Nova (2007)
There’s a Storm Inside (2010)
Triz (2012)
Varanda – The Reunion Project (2017)


Au fil de ses projets comme leader il a également collaboré avec tous ces artistes : Placido Domingo, Brad Mehldau, Dave Grusin, Kenny Werner, Dianne Reeves, Kurt Elling, Danilo Pérez, Nnenna Freelon, Bob Mintzer, Herbie Hancock, Brian Blade (IJD), Ron Carter, Chris Potter, John Patitucci, Orpheus Chamber Orchestra, The Israel Chamber Orchestra, The Bob Mintzer Big Band, The Paris Jazz Big Band, The Swiss Jazz Orchestra, The Danish Radio Big Band, The Seasons Guitar Quartet with Anthony Wilson, Julian Lage & Steve Cardenas, Esperanza Spalding, Joyce, Ivan Lins, Rosa Passos, Dori Caymmi, Danilo Caymmi, João Donato, Johnny Alf, Chico César, Ed Motta, César Camargo Mariano, Elza Soares, Luciana Souza, Monarco, Mark Turner, Tom Scott, Joe Lovano, Terri Lyne Carrington et beaucoup plus…


Chico Pinheiro @ Dièse Onze


Chico Pinheiro – guitare
Joâo Lenhari – trompette
Jean-Pierre Zanella – saxophone
Manoel Vieira – piano
Frédéric Alarie – contrebasse
Vitor Cabral – batterie


Dièse Onze
4115A rue St-Denis
514-223-3543

réservations téléphoniques

Vendredi le 29 mars @ 19 h / 21 h 30

15$ – une prestation
25$ – deux prestations


Le Weekend brésilien du Dièse se poursuit avec Jean-Pierre Zanella, Vitor Abral, François Bourassa et Rémi-Jean LeBlanc le 30 mars.


Il était en concert @ Stowe Jazz Festival (25-27 août 2023) : FORQ, Chico Pinheiro et les sœurs Jensen

 

Laisser un commentaire

Carlos Jiménez Quintet - Déjà vu

Abonnez-vous à l'infolettre sortiesJAZZnights.com

Et recevez chaque jeudi toutes les nouvelles du jazz du Québec et d'ailleurs incluant nos chronique d'albums, comme Déjà vu du Carlos Jiménez Quintet...

Merci de votre abonnement à notre infolettre !