
À l’image de l’oiseau tropical aux couleurs criardes qui inspire son nom d’artiste, le dernier album du batteur et producteur norvégien Martin Horntveth, Gouldian Finch (son nom d’artiste) ne fait pas la dentelle. Schizo (2025) plonge résolument dans une fusion maximaliste, portée par des nappes de synthétiseurs denses, des rythmes foisonnants, des cuivres incisifs et des changements brusques de tempo et d’atmosphère. On y retrouve son penchant immodéré pour un jazz éclectique, imprévisible et débordant d’énergie, qu’il avait déjà révélé au sein des formations Jaga Jazzist et The National Bank.
Gouldian Finch – neuf musiciens
Le musicien s’entoure cette fois de neuf musiciens pour donner vie à une sélection éclectique où jazz, électro, psychédélisme et funk se croisent et se réinventent librement. Au cœur de ce foisonnement sonore émergent de superbes mélodies, enchaînées avec férocité au fil de neuf nouveaux titres qui totalisent près d’une heure de musique. Avis aux amateur.e.s de fusion funky, de solos acrobatiques et de synthés vintage : Schizo (2025) est taillé sur mesure pour vous.
Fusion hédoniste
Choix surprenant, Martin Horntveth cède la batterie à Axel Skalstad (Krokofant, Rune Your Day) pour mieux se consacrer aux percussions et multiplier les interventions instrumentales variées, s’effaçant ainsi derrière son rôle de producteur pour mieux sculpter la musique de l’intérieur. La production est par ailleurs irréprochable, l’album s’écoutant comme une succession de petits plaisirs hédonistes débordant d’énergie, de malice et d’inventivité. Changements de rythme soudains, riffs de cuivres et de synthés à la fois incisifs et entraînants, solos de guitare vaporeux et breaks de percussions complexes…L’excès devient un véritable terrain de jeu pour les musiciens.
Un funk fiévreux et psychédélique
Dès les premières pièces, Schizo (2025) impose son rythme et sa diversité. Sophomore ouvre le bal sur un déferlement d’arpèges, avant que l’arrivée du batteur Axel Skalstad ne fasse basculer l’atmosphère en une marche implacable. Avec CAPS LOCK, la basse d’Ole Morten Vågan insuffle une tension fébrile, alors que synthés, flûte et cuivres dissonants se télescopent dans un mouvement frénétique. À l’opposé, Schizo esquisse d’abord un décor de violon et de synthés fébriles, avant de se laisser emporter par une déferlante funk aussi inattendue qu’énergisante.
L’album poursuit ses métamorphoses avec Polaroid, où trompette et piano esquissent une ambiance hésitante, aussitôt balayée par des synthés aux accents rétro. Un violon en demi-teinte renforce ce climat d’incertitude, culminant dans un duo cathartique entre saxophone et synthé. Spinning Pinwheel enchaîne avec ses rythmes de rumba complexes, dont les tensions étirées tissent une transe hypnotique. Puis No Filter dévoile la guitare brûlante de Karl Bjorå, avant de glisser vers un groove funky. Ce motif résonne encore dans MiniDisc©, véritable tourbillon final aux allures de montagnes russes psychédéliques.
Après les rythmes dansants de son précédent album Hatch (2023), Gouldian Finch nous revient avec une fusion survitaminée aux couleurs saturées, qui demande certes un certain recul pour s’y plonger et en saisir toute la profondeur, mais qui une fois apprivoisée se révèle particulièrement addictive.
Sophomore / CAPS LOCK / Schizo / Polaroid / Guilty Pleasure / Spinning Pinwheel / I Like It! / No Filter / MiniDisc©
Schizo (2025) de Gouldian Finch (Martin Horntveth)
Martin Horntveth – claviers, percussions et programmation
Eivind Lønning – trompette
André Roligheten – saxophone ténor
Karl Hjalmar Nyberg – saxophone soprano et ténor
Håkon Aase – violon
Kai Von Der Lippe – Wurlitzer, claviers
Andreas Ulvo – orgue Hammond, claviers
Karl Bjorå – guitare, pedal steel
Ole Morten Vågan – basse
Axel Skalstad – batterie
Arnaud G. Veydarier : arnaudgveydarier@gmail.com / Facebook / twitter
Arnaud G. Veydarier est un guitariste formé en musicologie à l’Université de Montréal. Son parcours reflète un intérêt profond pour le jazz, la musique contemporaine et les croisements entre musique et urbanité. Après plusieurs années passées à œuvrer dans le milieu culturel, il se consacre désormais à l’urbanisme, tout en continuant de prendre la scène au sein de divers ensembles. Vous pouvez le retrouver ici toutes les deux semaines dans ses critiques d’albums où il explore les nouvelles formes du jazz contemporain. Pour voir toutes ses chroniques, c’est ici