Le pianiste Vincent Gagnon et le jazz, l’écriture, le public, ce qu’il écoute, son band, et plus…

Vincent Gagnon @ Grand Théâtre

On discute avec le pianiste Vincent Gagnon du pourquoi du jazz, l’écriture, le public, un instrument qu’il aimerait jouer en secret, ce qu’il écoute, son band, ses projets, le jazz à Montréal vs Québec, le concert du 26 juin à Québec Jazz en Juin…

Pianiste et compositeur gaspésien établi à Québec, Vincent Gagnon est un des jazzmen les mieux connus de la région et s’est produit  dans des centaines de concerts avec des artistes québécois et internationaux. En plus du jazz, on le retrouve sur scène et sur disque avec Keith Kouna, Tire le Coyote, Hubert Lenoir, Lou-Adriane Cassidy, Émilie Clepper, Paule-Andrée Cassidy, Raoûl Duguay, Jennifer Tremblay et bien d’autres.

Il a lancé trois albums en tant que leader de son ensemble jazz: Bleu Cendre (2009), Himalaya (2012) et Tome III – Errances (2014). On l’a décrit comme « […] la révélation du Festival de jazz de Québec 2009 » (Stanley Péan, Radio-Canada). Il a remporté le Prix Étoiles-Galaxie jazz de Montréal en 2009. Il a également été deux fois en nomination aux Prix de Radio-Canada du Gala Opus dans la catégorie Meilleur album jazz et a été finaliste pour le Félix Arrangeur de l’année en 2014.

CT – Vincent, c’est pendant que tu étais aux études en génie à l’Université Laval qu’un ami guitariste t’initie au jazz…c’était qui et quelle pièces et artistes t’ont allumé ?

Vincent Gagnon – C’est un ami de très longue date qui s’appelle Jean-René Gosselin. Au Cégep, il étudiait en guitare jazz au Cégep de Drummondville et il voulait absolument que je m’y mette. On a joué intensivement ensemble pendant un été à Matane. Il a arrêté le jazz ensuite, mais moi j’étais accroché. Maintenant, Jean-René a sa compagnie, Jonny Rock Gear, qui fabrique des super pédales d’effets pour guitares faites à la main à Montréal. Il s’est remis au jazz l’an dernier; on a même rejoué ensemble chez moi l’hiver dernier!

Dans le temps, j’écoutais beaucoup Workin’ with the Miles Davis Quintet. C’est le premier disque de jazz que j’ai acheté. C’est un disque parfait, avec Red Garland au piano, Paul Chambers à la basse, Philly Joe Jones à la batterie et John Coltrane au sax ténor. Le First Great Quintet. Les solos sont comme des compositions. La section rythmique swingue sans effort. Je crois que c’est un disque que n’importe qui peut aimer. It Never Entered my Mind et Ahmad’s Blues sont des perles. Si tu n’as jamais entendu de jazz et que tu tu me demandes de te donner une idée en 10 minutes, je commence par ce disque. J’avais aussi une cassette de Lorraine Desmarais, Andiamo, et une compilation Verve de Jimmy Smith. On écoutait ça avant de jammer, pour se crinquer.

CT – J’ai lu que tu aimait l’écriture mais c’est plutôt un son que tu recherchait, est-ce toujours le cas ?

Vincent Gagnon – En fait, je cherche une clarté d’intention. Quand j’écoute ou joue de la musique, simple ou complexe, je veux qu’il y ait quelque chose de clair, un message, une ambiance, une attitude. Je veux qu’il y ait quelque chose de simple et sincère qui s’en dégage, un mini-quelque-chose-à-dire, qui serve de point d’ancrage. Si le band et le public peuvent se raccrocher à ça dans un concert, il se passe quelque chose.

Côté “son”, au sens large, si on veut résumer très grossièrement, j’aimerais bien réussir à faire chanter le piano comme si Billie Holliday chantait du Chopin… Je pense que j’y arrive un peu des fois, mais de toute façon, quand j’y pense, ça m’aide à garder le focus.

CT – J’écoutais ton invitation au public pour un concert de lancement au Palais Montcalm il y a de ça quelques années et tu parlais  de vouloir créer un bulle avec le public – le public fait donc partie d’une performance, pourquoi ? parles-nous de ça…

Vincent Gagnon – C’est clair que le public est essentiel. Je suis absolument contre le clientélisme dans la musique, mais c’est important pour moi d’être conscient que je fais de la musique pour me faire plaisir et pour la partager. Ça m’est arrivé souvent de l’oublier quand j’étais plus jeune et ça me rendait tendu quand je jouais. J’avais mal dans le cou. J’étais détendu seulement quand je jouais seul chez moi.

Je crois que j’accordais trop d’importance à la notion de music for music’s sake, du moins je ne l’interprétais pas d’une façon qui respectait mes limites humaines et techniques. Si je mets mon attention sur la notion de partage quand je joue, ça m’aide être plus libre et à improviser sans jugement et en acceptant mes limites. En général, le public le sent, embarque dans le trip. Ça peut provoquer des moments de grâce!

CT – Le 26 juin on entendra sûrement un éventeil de ton répertoire de trois albums : Tome 111/Errances, Himalaya et Bleu Cendre…et du nouveau matériel ? et avec qui tu y seras ?

Vincent Gagnon – Oui, quelques “succès souvenirs” de mes premiers disques, mais surtout de nouvelles pièces. Il y aura Pierre Côté, qui est un incontournable de la contrebasse à Québec depuis des décennies. Le trio sera complété par Michel Lambert, qui est un de mes batteurs préférés au monde.

CT – Quel autre instrument souhaiterais-tu jouer en secret ?

Vincent Gagnon – La batterie! J’ai un vieux Gretsch chez moi, je pratique quand je suis à la maison. Ça me fascine de voir des batteurs qui ont un time d’enfer et qui peuvent faire chanter le drum en même temps. La voix aussi. Je chante plutôt mal alors c’est plutôt l’attrait romantique du rêve inaccessible.

CT – C’est super pour la scène jazz de la Ville de Québec ce tout nouveau festival Québec Jazz en Juin…est-ce qu’il y une différence entre la jazz de Québec et de Montréal ?

Vincent Gagnon – J’ai été beaucoup en tournée avec les gens que j’accompagne ces derniers temps. Du coup, mon point de vue sur les scènes jazz locales à Montréal et Québec est probablement passé date ces temps-ci… Il faudrait que je pose la question à des jeunes en début vingtaine! Il y a une chose que j’observe: en dehors du jazz, la 20 se raccourcit, il y a de plus en plus de projets communs entre des gens de Québec et Montréal. Ce n’est plus un handicap de rester à Québec pour faire de la musique de création. Peut-être que ça s’en vient aussi pour le jazz, enfin, j’espère!

CT – Tu écoutes quelle musique ces jours-ci ? as-tu un playlist ?

Vincent Gagnon – Je n’aime pas tant écouter des playlist. Je préfère encore écouter un album, et j’écoute le même album longtemps. Quand je suis seul, j’écoute surtout du jazz ou de la musique acoustique écrite. Ces temps-ci, j’écoute un live de Miles à Berlin, Moonbeams de Bill Evans, Something Else d’Ornette Coleman, The Newest Sound Around de Jeanne Lee et Ran Blake, le Sacre du Printemps de Stravinsky, le Lac des Cygnes de Tchaïkovsky, Metamorphosen de Richard Strauss et Concert in Copenhagen de Lennie Tristano. J’écoute aussi des trucs plus récents, mais plus ponctuellement. Pour le reste, les gens avec qui je voyage en tournée se chargent de me faire écouter une variété d’artistes, récents ou pas, de tous les styles.

CT – Tu a joué avec une foule d’excellent musiciens, en commencant par tes projets de trio et de quartet, de sideman en jazz mais aussi avec d’Hubert Lenoir en passant par Lou-Adriane Cassidy, Tire le Coyote, Keith Kouna ainsi qu’avec la Ligue d’improvisation musicale de Québec, parles-nous d’un moment WOW!, mais vraiment WOW! que tu as eu sur scène, tu en a sûrement eu plusieurs…

Vincent Gagnon – C’est difficile d’en choisir un seul… J’ai eu des moments très très wow avec tous ces artistes, à plusieurs niveaux. Beaucoup de mes moments les plus marquants musicalement se sont produits dans des clubs de jazz. Je me rappelle une fois où j’ai joué ‘Round Midnight avec François Côté et Renaud Paquet au Clarendon; une autre fois, un set de 45 minutes de magie avec François Côté et Guillaume Bouchard à l’Agitée ; un moment ou j’ai joué Left Alone en duo avec Michel Côté dans une soirée au Largo; une soirée surprise avec le Phò Trio et Gabrielle Shonk au Fou-Bar. Dans ces moments, tous les musiciens étaient en détente, les pièces se construisaient toutes seules sans effort, il y avait plein d’espace, on avait tous quelque chose de personnel à dire, on était totalement l’un(e) au service des autres. Pendant quelques minutes, j’avais l’impression d’être en train de faire de la vraie grande musique.

CT – Et quels sont tes projets a venir ?

Vincent Gagnon – Je veux faire un album en trio avec Pierre Côté et Michel Lambert, et me remettre à présenter plus de concerts de ma musique. Il me manque encore quelques pièces et une vision globale de ce que je veux dire, mais ça va se faire. J’ai aussi deux projets de musique instrumentale avec des gens qui ne sont pas dans le milieu du jazz. J’aurai encore des festivals, des tournées et sessions de studio dans les prochains mois avec les gens que j’accompagne. Si tout va bien, je serai aussi sur une pièce de théâtre au Trident à l’automne.

CT – En terminant qu’aimerait-tu dire de plus a nos lecteurs sur le 26 juin au Musée National des Beaux-Arts ?

Vincent Gagnon – Avec toutes les tournées des derniers temps, je n’ai pas présenté ma musique en salle depuis deux ans. J’ai envie qu’il y ait une ambiance de retrouvailles, et que tout le monde se sente en vacances! J’ai tellement hâte de revoir tout le monde!


Claude Thibault, éditeur – contacter / Facebook

C’est pour soigner son blues post-FIJM 2002 (après toute cette extravagance musicale le quotidien en prenait un coup!) que Claude lançait le 1e janvier 2003 la toute première version de sortiesJAZZnights.com. 16 ans et quelques versions plus tard l’aventure et la mission de faire connaître le jazz d’ici se poursuit!


 

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